Définition : qu'est-ce que la spasmophilie (tétanie) ?
La tétanie est un terme générique qui désigne unecontraction involontaire de certains muscles.On l'appelle quelquefois crise d'acrocontracture du fait qu'elle atteint essentiellement les extrémités des membres (mains, pieds...).
La spasmophilie est une forme de tétanie associée à un syndrome d'hyperventilation.En anglais, on utilise plus volontiers le terme d'hyperventilation syndrome (syndrome d'hyperventilation)mais peuvent être également utilisés les termes "latent tetany", "spasmophilia", "cryptotetany", "central neurocal hyper excitability syndrome (NHS)"...
La crise de spasmophilie se traduit par une hyperexcitabilité musculaire consécutive d'une hyperventilation (respiration rapide et ample supérieure aux besoins métaboliques). Cescrises interviennent généralement dans le contexte d’une attaque de panique, une forme aiguë, soudaine et incontrôlable d’anxiété.
Samuel Mergui, psychologue :" La spasmophilie désigne les symptômes physiques d'une crise d'angoisse. Lorsque ces crises sont récurrentes, elles traduisent un trouble anxieux sous-jacent. Il est recommandé de consulter un psychologue ou un psychiatre afin d'apprendre à gérer ces crises mais aussi à entamer une psychothérapie de fond."
Et le spécialiste de poursuivre : 'La thérapie cognitivo-comportementale et des techniques de respiration, d'autohypnose ou encore d'ancrage (mindfullness) peuvent aider le patient au moment des poussées."
Spasmophilie (tétanie) : une simple crise d'angoisse ?
Depuis longtemps, la tétanie est associée à des problèmes de santé comme une carence en calcium (hypocalcémie).En 1862, le docteur Armand Trousseau décrit la contracture rhumatismale des nourrices, soulignant que l'allaitement est un facteur favorisant de la spasmophilie. En 1909, c'est le scientifique Escherich qui prononce pour la première fois le mot "spasmophilie" pour décrire un état pathologique de l'enfant. Cet état rassemblait des accès hypertoniques des extrémités, des crises laryngées et des convulsions. Aujourd'hui, la spasmophilie est regardée comme une manifestation aiguë d'un état anxieux (plus ou moins conscient).
Aujourd'hui, médicalement, la spasmophilie correspond à la définition d'une entité psychiatrique :l'attaque de panique (manifestation aiguë du trouble panique). Elle est d'ailleurs décrite dans leDSM V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), ouvrage de référence en psychiatrie.
"Une attaque de panique est une montée soudaine d'angoisse qui atteint un pic en quelques minutes, et durant laquelle certains symptômes sont observés tels que des palpitations, une sensation d'étouffement, un sentiment de perte de contrôle, de devenir fou, de détachement de soi ou encore d'irréalité...", explique le psychologue Samuel Mergui.
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Chiffres : la spasmophilie (tétanie) est-elle fréquente ?
- La spasmophilie est une affection très fréquente en pratique médicale quotidienne, puisqu'elle concerne de 5 à 10 % de la population (source 1).
- Pour ce qui est du trouble panique (dont la spasmophilie serait la manifestation aiguë), il toucherait 2 à 3% de la population sur une période de 12 mois. Il apparaîtrait habituellement à la fin de l'adolescence ou chez l'adulte jeune, touchant environ 2 fois plus souvent les femmes que les hommes (source 2).
Cause : à quoi est due la spasmophilie (tétanie) ?
La spasmophilie est la manifestation aiguë d'un état anxieux sous-jacent. Les symptômes physiques (dont la tétanie musculaire) de cette crise désagréable résultent d'une accélération de la respiration du patient (hyperventilation).
Un état anxieux sous-jacent
Lacrise de tétanie, qui est unsyndromed'hyperexcitabilité neuromusculaire pourrait être due à des anomalies du métabolisme du calcium (hypocalcémie) et/ou du magnésium, se traduisant par des accès de contractions musculaires localisées surtout aux extrémités des membres.
Laspasmophilieest une forme de tétanie (on parle même de "tétanie latente") qui n'est pas induite par un trouble musculaire ou métabolique. On estime qu'elle est favorisée par un état anxieux. Bien que gênantes, ces crises sont considérées comme bénignes et d'origine psychogène. Toutefois, des études ont montré que l'administration de sels de magnésium pouvait réduire les crises de spasmophilieliées à une carence en cet oligo-élément (source 3).
Un cercle vicieux amorcé par l'hyperventilation
La crise de tétanie ou crise de spasmophilie est amorcée par un syndrome d’hyperventilation : les patients respirent plus rapidement parfois sans en avoir conscience.Ils peuvent atteindre un volume d’air inspiré supérieur àla normale. Il s'ensuit unechute brutale et massive du niveau de CO2 dans le sang, laquelle va induire une vasoconstriction artérielle et une hyperexcitabiliténeuronale et musculaire (forme de tétanie). Le risque est d’entrer dans un cerclevicieux: le stress entraîne l’hyperventilation responsable de la tétanie musculaire. Or celle-ci ajoute à l’angoisse qui augmente l’hyperventilation et ainsi de suite.
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Quels sont les facteurs de risque de la spasmophilie (tétanie) ?
Les facteurs de risque de la spasmophilie sont :
- le stress ;
- un événement traumatisant ;
- un trouble psychiatre sous-jacent et notammentun trouble anxieux(trouble anxieux généralisé, trouble panique, trouble d’anxiété de séparation, phobie sociale, agoraphobie, phobie spécifique, trouble obsessionnel compulsif, trouble de stress post-traumatique...) ;
- la fatigue physique et psychique (par exemple, dans la cadre d’un surmenage ou d’une restriction de sommeil);
- une carence en calcium ou en magnésium (source 4)...
Quels sont les symptômes de la spasmophilie (tétanie) ?
Une crise de spasmophilie peut se traduire par un ou plusieurs des symptômes suivants :
- une montée soudaine de peur ou de malaise intense qui atteint un pic en quelques minutes (ce symptôme rapproche la crise de spasmophilie de la crise de panique décrite dans le DSM 5 comme une manifestation aiguë du trouble panique). La montée d'angoisse peut se produire à partir d'un état calme ou anxieux ;
- des palpitations, battements de cœur ou accélération du rythme cardiaque ;
- une transpiration excessive (hypersudation) ;
- des tremblements ou secousses ;
- une sensation d'essoufflement ou d'étouffement ;
- une sensation d'étranglement ou d'oppression ;
- une douleur ou gêne thoracique;
- des nausées ou une gêne abdominale ;
- une sensation de vertige, d'instabilité, d'étourdissement, ou de faiblesse ;
- des frissons ou des sensations de chaleur.
- des paresthésies (engourdissements ou picotements) ;
- une déréalisation (sentiment d'irréalité) et.ou une dépersonnalisation (impression d'être détaché(e) de soi) ;
- une peur de perdre le contrôle ou de «devenir fou/folle;
- une peur de mourir ;
- des contractions musculaires localisées surtout aux extrémités des membres (mains, pieds, visage...), pouvant arquer les pieds et recroqueviller les mains (leur donnant parfois l'aspect de mains d'accoucheur).
Comment peut-on prévenir la spasmophilie (tétanie) ?
Quelques mesures permettent de prévenir la spasmophilie :
- avoir une alimentation équilibrée ;
- pratiquer une activité physique régulière ;
- se complémenter en calcium et en magnésium ou consommer des aliments riches en ces minéraux ;
- éviter, dans la mesure du possible, les facteurs de stress ou essayer de les contrôler grâce à des techniques (auto-hypnose, respiration, ancrage..) ;
- pratiquer une technique pour pallier le stress (sophrologie, yoga, relaxation, hypnose, EMDR, méditation...).
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Spasmophilie : deux tests pour confirmer l’hyperexcitabilité musculaire
L’examen médical permet de suspecter une spasmophilie (tétanie). Certains tests confirment l’hyperexcitabilité musculaire:
- le signe de Chvostek: une contraction de la lèvre supérieure se produit quand on percute avec un marteau à réflexes la région située en avant de l’oreille;
- le signe de Trousseau: le gonflement d’un brassard de tensiomètre au niveau de l’avant-bras pendant quelques minutes provoque une contraction des doigts contre le pouce (“main d’accoucheur”).
Des examens complémentaires sont rarement réalisés, et uniquement si une cause pathologique est suspectée.
Quand suspecter un trouble panique ?
Un trouble panique peut être suspecté si les patients ont des attaques de panique récurrentes et que celles-ci sont suivies :
- soit d'une inquiétude persistante d'avoir d'autres attaques de panique ou une inquiétude à propos des conséquences de la crise (par exemple perdre le contrôle, devenir fou) ;
- soit d'une réponse comportementale inadaptée aux attaques de panique (par exemple éviter les activités fréquentes telles que les exercices ou les situations sociales pour prévenir de nouvelles attaques).
Quels sont les traitements de la spasmophilie (tétanie) ?
Calmer une crise de spasmophilie (tétanie)
Afin de contrôler une crise de spasmophilie (aussi appelée crise de tétanie ou d'angoisse), il peut être recommandé de :
- respirer dans un sac en papier ou en plastique placé sur le nez et la bouche. Une succession d'expirations et d'inspirations permettent d’absorber des concentrations de plus en plus importantes de dioxyde de carbone (dont l'insuffisance a provoqué la crise). En l'absence de sac, vos deux mains formeront une sorte de masque sur le nez et la bouche ;
- pratiquer des méthodes de respiration afin de faire cesser le phénomène d'hyperventilation (respiration carrée, cohérence cardiaque...) ;
- pratiquer des techniques d'ancrage par le mindfullness : afin de désamorcer vos idées angoissantes, portez votre attention sur quelque chose de précis afin de vous ancrer dans le moment présent. Laissez-vous donc envahir par l’angoisse (et acceptez ces symptômes désagréables), mais observez un élément de votre environnement.
« Vous pouvez aussi employer la méthode du 5-4-3-2-1 qui consiste à vous concentrer successivement sur chacun de vos sens : qu’est-ce que j’entends ? Qu’est-ce que je vois ? Vous pouvez toucher ou sentir un objet et décrire vos sensations... », explique Samuel Mergui, psychologue.
- pratiquer l'auto-hypnose :«Pendant la séance d’hypnose, le patient entre en état de transe hypnotique ce qui lui donne accès à un état de déconnexion et de détente profonde. Il met en place avec le thérapeute un «mot code» qui lui permettra de replonger dans cet état ultérieurement n’importe où et à n’importe quel moment (et notamment en cas de crise d’angoisse). Le praticien enseigne aussi au patient l’autohypnose afin qu’il puisse atteindre la transe hypnotique de façon autonome», selon le spécialiste ;
- appuyer sur un point d'acupuncture :en pinçant et malaxant la chair qui se trouve entre votre index et votre pouce, vous parviendrez à décompresser ;
- prendre un anxiolytique : les benzodiazépinesagissent rapidement mais sont susceptibles d'induire une dépendance physique et des effets indésirables, tels que la somnolence, une ataxie et des troubles de la mémoire. Dans le cas de certains patients, l'utilisation des benzodiazépines est indispensable au travail de psychothérapie.
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Un traitement de fond en psychothérapie parfois nécessaire
"En cas de trouble anxieux sous-jacent, il convient de réaliser un traitement de fond en psychothérapie", souligne le praticien. La consultation régulière d'un psychologue voire d'un psychiatre est alors nécessaire.
Un médecin peut vous prescrire des médicaments : des anxiolytiques et des antidépresseurs généralement en association : les anxiolytiques (benzodiazépines) sont administrés en lente diminution, le temps que l'antidépresseur devienne efficace (bien que certains patients ne répondent qu'au traitement associatif).
"La psychothérapie associée à ces traitements est recommandée. Il peut s'agir de psychanalyse, de thérapie cognitivo-comportementale... Pendant les consultations, le thérapeute peut utiliser des méthodes de gestion du stress (hypnose, EMDR, enseignement de la méditation...)", souligne l'expert.
Remerciements à Samuel Mergui,psychologue et fondateur de la chaîne youtube Psychorama.